Un grand merci au Journal La Région Nord Vaudois pour son article. TEXTES: CATHERINE VIDMER:

Un Centre de formation professionnelle a été construit à Sanankoroba, au Mali. Un projet initié par la Baulmérane Mireille Keïta il y a une année et qui a vu toute une région s’impliquer.

C’est un projet qui a failli ne pas voir le jour. Le Centre de formation professionnelle initié par l’association Solidarité Afrique Farafina fait maintenant partie du paysage de Sanankoroba, village malien situé dans la périphérie de Bamako. «La construction est terminée, ne reste à faire que l’aménagement des locaux», précise Mireille Keïta, fondatrice de l’association. Le projet est le fruit d’une collaboration entre trois acteurs, la Fédération vaudoise de Coopération, qui a financé une partie importante du projet, l’association Solidarité Afrique Farafina et finalement les habitants des 26 villages de la région. «Sur place, ils ont mis sur pied un comité de gestion pour la construction du Centre, formé de représentants des 26villages. C’est vraiment un projet mené collectivement», explique Mireille Keïta, qui avait posé la première brique du Centre professionnel en début d’année 2023. Le Centre construit est le premier de la région. Il amène la possibilité aux jeunes de se former à un métier après la scolarité obligatoire. «Les gens des villages ont participé et se sont approprié le projet». La main-d’œuvre qui a travaillé à l’édification du Centre est locale. Ce sont les gens des 26 villages de la région qui sont venus travailler sur le chantier du Centre. Le projet s’est heurté à des difficultés, qui ont bien failli y mettre un terme. Les villageois ont néanmoins tout mis en œuvre pour dépasser ces obstacles. «Quand on avait fait le budget, on n’avait pas anticipé l’augmentation du prix des matières premières, qui a été causé par la guerre, raconte Mireille Keïta. Le budget s’est révélé insuffisant. On ne serait pas arrivés au bout du projet, si les acteurs sur place ne s’étaient pas impliqués et n’avaient pas complété eux-mêmes les coûts manquants. Ils sont allés négocier jusqu’au prix du ciment avec les fournisseurs.» L’association SAF met en œuvre une approche non tutélaire de l’aide apportée à la population de Sanankoroba. Mireille Keïta, qui a elle-même grandi au Mali, comprend ce qui mobilise la population et ce qui, au contraire, suscite peu d’engagement. «C’est facile de venir et de tout faire, avance-t-elle. La personne sur place ne se sent pas impliquée. Ce qui se passe alors généralement, c’est que quand par la suite vous revenez, vous voyez que les structures amorcées sont au point mort.» Pour la Baulmérane, l’indifférence face aux aménagements qui sont réalisés se produit quand l’investissement des organisations caritatives sur le terrain est minimal et que ces dernières créent des changements sans avoir consulté la population résidente. Elle décrit l’effet paralysant que peuvent avoir ces interventions charitables. «On arrive chez toi et on te dit ce que tu dois faire. On change tout sans rien te demander. Tu n’es alors plus chez toi et tu deviens spectateur», explique la fondatrice de Solidarité Afrique Farafina. Elle a souhaité bâtir une relation de confiance avec les habitants de la région de Sanankoroba. C’est en discutant avec les habitants des villages, de ce que eux considéraient avoir besoin, que la Baulmérane a établi sa feuille de route. «Les gens des villages ont participé et se sont appropriés le projet. Quand on implique la population bénéficiaire, ça change tout. C’est un nouveau regard. Ils savent que c’est pour eux, pour leurs enfants et imaginent leur village avec ces structures nouvelles», soutient-elle.

Offrir un meilleur avenir aux jeunes de la région.

Actuellement à Sanankoroba, il n’y a pas de structures pour donner suite à l’éducation des jeunes. «Le fait qu’ils partent sans bagages professionnels, c’est une déchirure et une souffrance pour les familles. Il n’y a rien pour ces jeunes.» Après l’école obligatoire, une partie des jeunes quittent le village pour aller tenter leur chance en ville. Le problème est qu’ils partent travailler très jeunes et sans diplôme. Les choses se passent généralement mal pour eux. «Travailler quand on n’a pas de diplôme, c’est compliqué, exprime Mireille Keïta. Ça signifie faire des petits boulots et souvent difficiles physiquement.  On parle de jeunes entre 12 et 15ans, qui se retrouvent à porter des charges lourdes, qui bousillent très vite leur santé.» Mais ces adolescents n’ont pas le choix. Les jeunes de Sanankoroba n’ont concrètement pas les moyens de poursuivre une formation. «Les formations professionnelles dispensées à la capitale se passent souvent dans des écoles privées, donc chères, et les écoles publiques sont déjà pleines», explique la fondatrice de Solidarité Afrique Farafina. Du côté des familles, elles sont mariées très jeunes, faute d’opportunités ouvertes à ces dernières. «Les familles vont les marier assez tôt, pour ne plus les avoir à charge», commente Mireille Keïta.

La présence d’un Centre de formation professionnelle au cœur de cet hameau de villages remédie au problème, offrant aux jeunes de Sanankoroba la possibilité d’exercer un métier. Les filières enseignées ont été choisies par rapport aux besoins du village. Il s’agit de la menuiserie, l’électricité (métier d’électricien·ne), la mécanique automobile et la couture. L’ensemble des professionnels de l’établissement viendra de Bamako. Les formations dispensées sur trois ans seront ouvertes à tous les enfants. «Le Centre de formation professionnelle sera public, se réjouit l’initiatrice du projet. La formation professionnelle leur offrira aussi des outils pour contribuer au développement de leur
village.»

Offrir un métier, plutôt que la charité. La mairie de Sanankoroba s’investit dans le projet

La mairie de Sanankoroba a participé aux défraiements pour la nourriture et les déplacements des professionnels et travailleurs des différents villages des environs venus apporter leur pierre à l’édifice. Au commencement du projet, la mairie de Sanankoroba

Le Centre de formation professionnelle de Sanankoroba ouvrira officiellement ses portes à la rentrée scolaire, en octobre prochain ne souhaitait cependant pas s’impliquer. En effet, les fonctionnaires de la commune pensaient qu’un projet comme un Centre de formation professionnelle allait échouer. «Ils
nous l’ont dit ! Ils ont affirmé que souvent ces villages n’ont pas la capacité de gérer ce genre de structure», confie Mirelle Keïta. Un préjugé que les villageois, faisant équipe avec les membres de Solidarité Afrique Farafina, ont su renverser. «La mairie a été bluffée», commente la Baulmérane. Les villages entourant Sanankoroba ont déjà prouvé qu’ils pouvaient s’en sortir par leurs propres moyens et
cela malgré le coût des matériaux et du temps à engager dans les infrastructures initiées. À l’image de Sikoro, village où SAF a déjà soutenu des projets. «Les habitants gèrent leur maternité sans l’aide de la mairie, ainsi que leur Centre artisanal et le moulin qui s’y trouve. L’année passée, ils ont même acheté deux autres moulins», relate Mireille Keïta.

Le Concours Danbé

L’Association Solidarité Afrique Farafina a dernièrement lancé un concours annuel, le Concours Danbé, dans le hameau de Sanankoroba. Chaque village de la région est invité à soumettre un projet. Une condi
tion particulière est imposée: le projet doit être réalisé à 50% au moment de son dépôt au concours. Le projet gagnant reçoit les fonds pour les 50% du projet qui restent à accomplir. La première édition a déjà eu lieu cette année et a rencontré un franc succès. «Les jeunes ont cotisé eux-mêmes pour réaliser ces projets et y ont travaillé de leurs mains.» Le village qui a remporté le prix de cette édition est Baala. «Certains villages ont même terminé leur projet avant la fin du concours! C’était, dans le fond, ce que l’on souhaitait produire comme effet», confie Mireille Keita. À la source du concours réside l’idée d’impulser des initiatives, qui sont ensuite menées à bien par les villages eux-mêmes. Le danbé est une notion très importante au Mali. Elle signifie «la dignité»